Quel devenir pour les SAS centraux après l'étude SERVE
Central je suis, central je ne resterai pas forcément…
Dr Dany JAFFUEL, 09 juillet 2015
La diffusion le 13 mai 2015 d'un avertissement de sécurité de la Société Resmed au sujet de l'étude SERVE-HF a modifié nos pratiques et la prise en charge par ventilation auto-asservie des patients de « phénotype » SERVE-HF (patients insuffisants cardiaques chroniques symptomatiques (NYHA 2-4) avec une fraction d'éjection du ventricule gauche altérée (FEVG ≤ 45%) et un Syndrome d'Apnée du Sommeil Centrale prédominant modéré à sévère (IAH> 15/h, IAHcentral/IAH > 50% et IAcentral >10/h)).
Dans la pratique quotidienne, cela a conduit parfois certains praticiens à faire un contrôle de l'enregistrement polygraphique ou polysomnographique sans ventilation auto-asservie des patients et constater que… le patient était toujours apnéique mais avec un phénotype désormais obstructif et non plus central !
Cette observation replace sous les feux de l'actualité l'étude de Ryan et al [1]. Cette étude a réalisé un suivi polysomnographique des patients à 3 mois et 24 mois du diagnostic initial. Ces patients faisaient partie de l'étude « CANPAP », étude pivot dont la post-hoc analyse [2] a démontré le bénéfice sur la mortalité et le recours à la greffe de patients, comparables à ceux de l'étude SERVE-HF, mais traité cette fois-ci par Pression Positive Continue et dont l'IAH a 3 mois sous traitement était inférieur à 15…
L'hypothèse de recherche de Ryan et al. [1] est que, comme cela a été démontré par une autre équipe sur du cours terme [3], certains patients insuffisants cardiaques ont une modification de leur phénotype apnéique central en un phénotype obstructif.
98 patients des 258 inclus dans l'étude CANPAP ont pu faire l'objet de l'analyse. Il s'agissait de patients présentant majoritairement des cardiopathies ischémiques, de sexe masculin, d'IAH à 39/h et d'IMC flirtant avec les 30 kg/m2.
Principaux résultats :
- 18% des patients ont un phénotype d'événements qui devient obstructif (initialement 85% d'événements centraux, 73% d'événements obstructifs lors du suivi).
- les patients qui changent de phénotype et deviennent obstructifs sont plus jeunes et ont plus fréquemment un IMC élevé, une tension artérielle systolique basse, une dyspnée importante, une prise de spironolactone.
- Associé à cette modification du phénotype des événements, les patients devenus obstructifs sont moins dyspnéiques et ont une augmentation de leur fraction d'éjection (+2.8% (-0.4–6.0), p< 0.01).
Intérêt de l'étude et limites :
Cette étude confirme l'instabilité « phénotypique» des patients insuffisants cardiaques en terme de profil obstructif/central des événements. Elle souligne la nécessité de réévaluation polygraphique/polysomnographique des patients. Cette étude présente toutefois de nombreuses limites : l'étude ne porte pas sur l'ensemble de la population incluse dans l'étude CANPAP. Chez les 18% de patients qui changent de phénotype, ce sont essentiellement les hypopnées qui passent de central à obstructif et… il est très difficile sans marqueur invasif ou non de l'effort respiratoire d'être certain du caractère obstructif ou central d'une hypopnée.
Conclusion :
Cette étude suggère que 18% des patients insuffisants cardiaques apnéiques centraux ont un profil d'événement qui va changer avec le temps. La décision d'arrêter tout traitement chez ces patients sans contrôle polygraphique/polysomnographique est potentiellement lourde de conséquence. En effet ne pas traiter par Pression Positive Continue un patient insuffisant cardiaque apnéique obstructif est associé à une surmortalité [4].
Dr Dany JAFFUEL, 09 juillet 2015